Certains combats d'arrière garde perturbent le débat et font obstacle à la discussion. Celui qui oppose, d'un côté les gens du siècle chargés de faire le procès de la transcendance et de désacraliser tout ce qu'il est possible de l'être, et de l'autre les religieux alertant le monde sur le risque de sécularisation et sur la volonté immanente de l'homme à comprendre ce qui l'entoure, est de ceux-là.
Aucun des deux "camps" ne peut prétendre à la vérité dans la mesure où celle-ci ne peut se passer d'une réconciliation entre les deux approches.
Maurice Zundel rappelait à juste titre que "le Verbe s'est fait Chair pour que la Chair se fasse Verbe". Inutile donc à la chair de se faire chaire et au verbe de devenir trop haut, ce n'est pas une question de discours mais une question d'expérience.
Rencontrer la chair, rencontrer le monde, c'est faire l'expérience, dans son corps physique tendu vers la fine point immanente de l'être, d'une nature Christique transcendante qui vient à sa rencontre lui révéler sa nature ultime. "Je suis dans le Père et le Père est en moi" dit Jésus, rappelant aussi aux juifs éberlués que "celui qui ne mange pas ma chair n'a pas part avec moi".
Les travaux excellents de Michel Henry dans "Incarnation, une philosophie de la chair" nous permettent de sortir non seulement de la phénoménologie mais surtout du débat d'opposition entre sécularisation et sacralisation, entre immanence et transcendance. Il nous faut apprendre une modernité du christianisme qui sache garder le tout de sa tradition sans être encombrée de rien et qui sache parler au siècle pour continuer à parler du Verbe. Or c'est en nous que le Verbe se dit. Ce n'est pas nous qui le disons. Mais il ne peut se dire que de toute notre chair pour entrer en résonance avec la chair des 6 milliards de terriens que ce Verbe veut rendre humains et faire naître ainsi à eux-mêmes. Telle est l'Eglise véritable, la paulinienne, la courageuse.
C'est au coeur du siècle, au coeur de la chair que le Verbe veut vivre mais d'une chair sacrée et respectée, ouverte à la transcendante pour y découvrir sa beauté ineffable, celle du vase d'argile si fragile qui porte à tous les hommes le délicat parfum de l'Amour.
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